CHAPITRE XXII
Yan sortit de la cabine de douche en claquant la porte.
— Je parie qu’il y a eu un Gamorréen là-dedans ! Ils ne pourraient pas se contenter de leurs cabines, sans contaminer les nôtres ?
— Vous êtes toujours d’humeur aussi charmante, le matin ? s’enquit Droma.
Yan le foudroya du regard.
— Seulement quand je n’ai pas fermé l’œil de la nuit !
— Je n’ai pas demandé à partager votre cabine, lui rappela le Ryn.
— Je n’ai pas d’objection à ça. Ce qui me gêne, c’est d’avoir eu votre fichue queue dans la figure la moitié de la nuit !
Droma fronça les sourcils.
— Les Ryn changent souvent de position en dormant. Nous n’utilisons jamais deux fois le même endroit.
— La prochaine fois, je réserverai la salle de bal ! Ça vous laisserait assez de place ?
— Nous sommes un peuple superstitieux, précisa Droma. Nous ne mangeons jamais trois fois dans le même bol, et nous avons de nombreux rituels concernant les fluides corporels…
Yan leva les mains.
— Je n’ai pas envie de les connaître ! Pourquoi êtes-vous toujours là ? Vous m’aviez dit que vous quitteriez le bord à Vortex.
— J’ai décidé que trouver un passage vers Ralltiir à partir de Bilbringi serait préférable.
— Ouais. Mais je croyais que vous aviez seulement de quoi payer votre billet jusqu’à Vortex…
— A vrai dire, j’ai gardé une partie de vos gains à la table de sabacc, pour mon voyage.
— Je comprends mieux, ricana Yan.
— Vous me refuseriez une modeste rémunération ? grogna le Ryn. Alors que je ne vous ai pas demandé d’argent pour vous tirer les cartes !
— Il n’aurait plus manqué que ça ! Vous avez tiré les cartes de votre propre initiative.
— Vous ne m’avez pas demandé de cesser.
— Par politesse…
— Impossible, dit Droma. Ce mot ne fait pas partie de votre vocabulaire !
— Si vous saviez qui je fréquente…
Droma parut surpris.
— De riches et célèbres clients, dans les affaires de réparation de vaisseaux ?
— Non… Oh, à quoi bon !
Le Corellien mit son sac de voyage sur son épaule et partit au pas de course, espérant que les jambes courtes du Ryn ne lui permettraient pas de le suivre. Après une vingtaine de mètres, il tourna dans un couloir, puis un autre.
A ce moment, une paire de bras musculeux le saisit par-derrière et le fit pivoter.
— Yan ! cria l’homme. J’ignore comment Scaur vous a persuadé d’accepter cette mission, mais je suis ravi de vous voir !
— Scaur ? dit Yan. Showolter ! Que se passe… ?
— Ils nous ont attaqués dans notre cabine, Yan. Des agents des Yuuzhan Vong ! Ils ont tué deux des miens. J’en ai eu un, mais l’autre s’est enfui. Capo, un Rodien… Il a sans doute des renforts à bord. Il nous faut une cachette sûre !
Showolter désigna Elan et Vergere.
— Qu’y a-t-il de si important… ?
— Ce sont des transfuges yuuzhan vong.
Yan en resta bouche bée.
— C’est votre partenaire ? demanda Showolter.
Yan se tourna et vit Droma derrière lui.
— C’est…
— Seulement jusqu’à Bilbringi, Yan, supplia Showolter d’une petite voix.
— Yan ? fit Droma, surpris.
Showolter se laissa glisser le long d’une cloison. Yan s’assit près de lui.
— Des renforts prendront le relais à Bilbringi. L’officier des Renseignements gémit de douleur.
Yan vit du sang sur ses mains. Il regarda l’épaule de l’homme.
— Vous êtes blessé…
— Plus tard ! Envoyez-moi un médic. Ça ira…
Yan se leva et aborda un steward duros.
— Cet homme doit être transporté d’urgence à l’infirmerie ! Compris ?
La tête ronde du Duros fut agitée d’un mouvement nerveux.
— Oui, monsieur. Tout de suite !
Le Duros partit. Yan se pencha sur Showolter.
— Vous avez une arme ?
— Oui. Vous en avez besoin ?
Yan l’empêcha de sortir son blaster.
— Non, vous ! S’ils vous trouvent…
Showolter ferma les yeux, submergé par une vague de douleur.
— Allez-y, Yan.
— Vous deux, suivez-moi, dit Yan aux transfuges. Si vous me posez un problème, je vous fourrerai dans un placard jusqu’à la fin du voyage. Pigé ?
La femme se hérissa, mais la petite non-humaine opina du chef.
— Nous sommes entre vos mains.
— Et ne l’oubliez pas ! renchérit Yan, index levé.
Après dix pas, Droma demanda :
— Yan ?
— Mon nom de code.
— Vous êtes un agent des Renseignements ?
Yan se tourna vers lui.
— Restez en dehors de ça, Droma. On ne joue plus aux cartes !
Le Ryn pencha la tête.
— Où pensez-vous les cacher ? Dans votre cabine ? Je connais ce vaisseau mieux que vous. Le seul endroit sûr est dans les ponts inférieurs, où vous pourrez les cacher au milieu de la foule.
— D’accord. Allons-y.
Ils gagnèrent le turboascenseur le plus proche. Ils y étaient presque quand une secousse plus forte que les autres renversa Elan. Droma l’aida à se relever pendant que Yan gagnait le hublot le plus proche. Il sonda l’espace. Au lieu des tourbillons bleus et pourpres de l’hyper-espace, il vit des lignes de lumière : un champ stellaire. Un soleil rouge orangé illuminait un planétoïde à la surface crevassée.
— On est sorti de l’hyperespace ! annonça Yan. Droma consulta une horloge murale.
— Trop tôt pour Bilbringi…
Des sirènes d’alarme lui coupèrent la parole. Les haut-parleurs du vaisseau s’activèrent.
— A tous les passagers ! Ici le capitaine. Nous avons été projetés dans l’espace réel par des pillards inconnus. Des complices placés à bord du vaisseau ont attaqué la passerelle.
— Des pillards ! ricana Yan. Sûrement pas. Ils en ont après quelqu’un de précis.
— Vous êtes sûr ? demanda Droma.
Yan se remémora l’époque où il avait embarqué à bord du vaisseau de luxe, le Dame de Mindor, avec Fiolla, une compagne de voyage plus agréable que le Ryn… Le Dame aussi avait essuyé une « attaque de pirates », menée en réalité par le bras droit de Fiolla : le traître Magg.
— Oui, dit Yan.
— C’est mon peuple ! s’affola Elan. Les miens ont amené un basal dovin pour arracher le vaisseau de l’hyperespace. (Elle planta ses ongles dans le biceps de Yan.) Je vous en prie, ne les laissez pas nous trouver !
— Nos boucliers sont désactivés, continua le capitaine, et les pillards s’apprêtent à nous aborder. Nous avons envoyé des appels de détresse. Je suis sûr qu’on viendra à notre secours. En attendant, pas de panique !
— Il a un sacré culot ! cria Leia à Luke et Mara en arpentant leur appartement. Prétendre que je suis incapable de comprendre son chagrin, puis filer comme ça !
— Yan est corellien, rappela Mara. Il le restera toute sa vie.
Luke sourit.
— Leia, ce n’est pas la première fois qu’il se comporte ainsi. Tu te souviens quand lui et moi sommes allés sur la Station de Recherche Crseih ?
— C’était différent. Ce voyage-là était lié au regret du bon vieux temps, et surtout à sa démission de l’armée. Celui-ci n’a rien à voir avec la nostalgie. Il concerne Chewie.
— Ça me paraît normal, dit Mara.
— Son chagrin l’est. Mais il est décidé à se venger. Un vieil ami est venu le voir, un certain Roa. Ils sont partis pour Ord Mantell. Pourquoi se seraient-ils aventurés si près de l’espace contrôlé par l’ennemi si Roa n’avait pas des informations ?
— Quel type d’informations ? demanda Luke. Les Yuuzhan Vong responsables des événements de Sernpidal sont morts. Yan a contribué à les éliminer sur Helska 4.
— Luke, si ça lui suffisait, il ne serait pas parti.
Le Jedi comprit que c’était exact.
— Malgré tout, Yan ne se conduirait plus de façon irresponsable.
Leia se mordit la lèvre inférieure.
— Lors de notre première rencontre, continua Luke, il m’a convaincu qu’il était aussi casse-cou qu’il le prétendait. Mais Obi-Wan a dit quelque chose que je n’oublierai jamais : sous ses allures indifférentes, Yan avait une véritable profondeur. D’après lui, seul un être spécial aurait eu un Wookie pour compagnon !
— Inutile de me rappeler que Yan est un être à part, dit Leia. Mais voilà le problème : il a besoin d’un compagnon comme Chewie. Ensemble, ils s’équilibraient. Chewie freinait Yan. (Elle se tourna vers Mara, se forçant à sourire.) Désolée de vous embêter avec tout ça ! Mara, je ne t’ai pas même demandé comment tu vas !
— Je me sens considérablement plus forte.
Leia avait beaucoup d’affection pour sa belle-sœur. Comment avait-elle pu se méfier d’elle autrefois ?
— Je pensais que vous seriez retournés sur Yavin 4, ajouta-t-elle.
Luke et Mara échangèrent un regard.
— As-tu appris qu’une Yuuzhan Vong est passée de notre côté ?
Leia en resta bouche bée.
— Quand ?
— Peu avant ton départ pour Ord Mantell. Elle est en route vers Coruscant, pour être interrogée.
— C’est une bonne nouvelle ! Mais cela a-t-il un lien avec votre présence sur Coruscant ?
— Elle a demandé à nous rencontrer.
— Les Jedi ? Ne me dis pas que tu as accepté !
— Elle affirme détenir des informations sur une maladie que les Yuuzhan Vong ont importée dans notre galaxie, répondit Mara.
— Mais…, commença Leia.
Un hurlement éclata dans la pièce adjacente. C3PO entra, ses mouvements saccadés reflétant son agitation. R2-D2 le suivait, couinant et sifflant sur un ton sarcastique.
— Je vous en prie, ne me désactivez pas ! gémit C3PO. Ce n’était pas ma faute ! J’essayais d’aider !
R2-D2 couina un commentaire méprisant.
— Tais-toi, espèce de… boîte de conserve !
— C3PO, calme-toi, dit Leia. De quoi s’agit-il ?
— C’était sur l’HoloNet, maîtresse Leia. Le Reine de l’Empire a été attaqué par des pirates avant d’arriver au système de Bilbringi. Il a envoyé un appel de détresse. Les pirates l’ont sûrement abordé !
Du regard, Luke interrogea sa sœur.
— C’est un vaisseau qui transporte des réfugiés d’Ord Mantell vers le Noyau. C3PO, vois si tu peux en apprendre davantage. J’espère que ce sont bien des pirates, pas des Yuuzhan Vong.
— Maître Solo ! gémit C3PO.
— Que veux-tu dire ?
— Il est à bord de ce vaisseau !
— C3PO, je ne comprends pas…
— Je n’aurais jamais dû l’écouter ! Mais quand il a répété ce que vous m’aviez dit, j’ai cru que ma décision était justifiée.
— Quoi donc ?
— Parfois, mieux vaut ne pas connaître la vérité…
R2-D2 émit un bip ironique.
— Tais-toi ! dit C3PO.
— Quel rapport avec la présence de Yan à bord du Reine de l’Empire ?
— Il m’a demandé de lui acheter son billet. J’ai imité votre voix, maîtresse Leia. Je ne vous en ai pas parlé parce que vous ne m’avez pas demandé si j’avais connaissance de l’endroit où il était. Maître Solo m’a promis de stocker mes souvenirs dans une banque de données, au cas où je serais désactivé. De cette façon, je serai peut-être capable…
— C3PO ! cria Leia. Avec Yan dans le coup, tu n’es pas entièrement à blâmer dans cette affaire. Mais sois honnête : pourquoi a-t-il pris la direction de Bilbringi ?
— J’ignore ses raisons, maîtresse.
R2-D2 fit pivoter sa tête en forme de dôme, bipant sur un ton réprobateur et inquiet. Leia regarda son frère.
— Tu m’assurais que Yan ne ferait rien d’irresponsable ?
— C3PO, tu as dit que le vaisseau a envoyé un appel de détresse ?
— Oui, d’après l’HoloNet, maître Luke.
— Des secours sont sans doute en chemin.
— Qui se souciera de quelques milliers de réfugiés ? Surtout s’ils sont tombés entre les mains des Yuuzhan Vong ?
— Nous pourrions y aller, proposa Luke.
Mara le regarda, pensive.
— Même en utilisant le Couloir Namadii, nous n’arriverions jamais à temps.
Leia se leva d’un bond.
— N’oublie pas que nous serons à bord du tas de ferraille le plus rapide de la galaxie !